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Présidentielles 2022 : l’alternance politique avec Z

Vers la souveraineté nationale, approche méthodologique

9 Juillet 2020, 17:34pm

Publié par Giordano Eturo

Notre actuel Président de la République entretient la plus grande confusion au sujet de la souveraineté, lorsqu’il prétend qu’elle peut être à la fois nationale et européenne. Chacun sait pourtant que la souveraineté, par définition, ne se partage pas. Elle est ou elle n’est pas et, dès lors qu’elle se partage, elle n’est plus. Le concept de souveraineté partagée est complètement fumeux et, partant, ne peut avoir pour résultat que d’abaisser la capacité de la France à conduire ses affaires librement. Il n’y a donc qu’une seule souveraineté possible - en l’absence de projet de fédération européenne s’appuyant sur un peuple européen se reconnaissant comme tel - et cette souveraineté est nationale dans son cadre d’exercice et populaire (reposant sur l’expression d’un peuple politique) dans sa manifestation. Contrairement aux errements de la pensée présidentielle - dont il n’est pas interdit de supposer qu’elle est volontairement confuse en tant qu’elle brouille le message pour en interdire toute réalisation - il nous faut poser clairement les options qui s’offrent à nous. 

Première option, le statu quo moyennant réforme de l’UE. La France reste membre de l’Union Européenne et de l’Union Monétaire tout en conduisant, en son sein, une « diplomatie de la réforme ». Cette première voie n’interdit pas la bonne volonté, ni n’exclut la possibilité de quelques succès. Cependant, et sans qu’il soit opportun d’approfondir cet aspect ici, Il faut bien admettre que les potentiels succès arrachés pour huiler et fortifier la machinerie bruxelloise ne compenseraient pas ses graves dysfonctionnements. Pour la bonne raison que ces derniers sont matriciels et structurels : ils sont liés d’une part à un défaut de conception originel (une intégration économique, commerciale et financière sans autre finalité historique autre que celle d’assurer la paix entre les États membres par des « solidarités de fait ») et d’autre part à la « révolution du nombre » opérée par les différentes vagues d’élargissement. En sorte que, si la refonte du projet européen dans le cadre de l’Union européenne paraissait encore possible dans les années 1990, elle ne l’est clairement plus aujourd’hui. Et toute personne qui prétend marcher vers une « souveraineté européenne » dans le cadre de l’UE est, soit naïve, soit cynique. Déjà, au début de ce siècle, celles et ceux qui appelaient de leurs vœux une Europe souveraine avaient compris que celle-ci ne pourrait être le fait que d’un noyau dur d’Etats européens, et non la résultante de « coopérations renforcées » au sein de l’Union Européenne. Poursuivre avec l’UE en prétendant la réformer substantiellement de l’intérieur est donc une chimère qui ne ferait qu’aggraver les défaillances que nous lui connaissons déjà (méfions-nous, donc, de celles et ceux qui après chaque crise en appelle à « davantage d’Europe »). Il faut être raisonnable et reconnaître que, à l’instar de l’Union Soviétique dans les années 1980, l’UE est largement irréformable (aux causes structurelles, il aurait fallu aussi ajouter l’impasse diplomatique : alors que la France aurait intérêt à changer les choses en profondeur, tel n’est pas le cas de l’Allemagne dont l’intérêt est plutôt le statu quo, ce que nul ne peut lui reprocher).

Deuxième option qui s’offre à nous, plus prometteuse pour qui cherche vraiment à reprendre sa souveraineté : le FREXIT. Rompre les amarres, à la manière britannique. En admettant que l’Union Européenne survive à une sortie de la France, c’est à dire quand même l’une des grandes économies du continent et l’un des membres fondateurs de cette organisation supranationale, ce chemin supposerait d’âpres et longues négociations avec nos partenaires. Tâche compliquée, mais à la portée de tout gouvernement qui estime d’une part avoir la légitimité pour la mener à bien, et qui d’autre part dispose du temps nécessaire à son accomplissement. Légitimité et stabilité gouvernementale sont les deux conditions minimales à la réussite d’un FREXIT dans des conditions supportables à la fois pour nous et pour nos partenaires. Concrètement, en France, cela signifie un mandat populaire pour sortir de l’UE ainsi qu’un référendum de clôture portant sur le futur traité organisant la sortie de la France de l’Union Européenne. Cela suppose, également, une majorité souverainiste au Parlement, et d’abord à l’Assemblée Nationale. Si le Sénat n’était pas acquis au souverainisme, cela viendrait compliquer les indispensables réformes constitutionnelles qui pourraient cependant toujours être menées à bien au moyen de l’article 11 de la Constitution française. 

Néanmoins, j’ai la conviction qu’un FREXIT ébranlerait trop l’édifice européen pour que l’UE se maintienne en l’état. Il y a donc fort à parier que les choses ne se passeraient pas à la manière du BREXIT. Le continent ferait face à l’une de ces périodes historiques marquées par l’inconnu, et dans lesquelles seules l’audace et l’agilité permettent de sortir de ce qui prenait alors toutes les apparences d’une impasse politique. Les chancelleries sortiraient de leurs misérables routines pour se remettre à penser. Et dans la grande débandade par laquelle se terminerait l’Union européenne, elles œuvreraient à « sauver les meubles » en proposant aux gouvernements un cadre de coopération compatible avec les souverainetés nationales. Trois aspects seraient nécessairement traités distinctement : d’une part la fin de l’Euro et le retour aux monnaies nationales (avec ou sans cadre monétaire commun ?), d’autre part la mise en place d’une sorte « d’espace économique européen » sur les décombres de l’UE (cet espace économique pourrait ressembler à ce qu’était la CEE avant l’Acte Unique) et, enfin, la sauvegarde d’un cadre de coopération politique minimal sur un modèle intergouvernemental et non plus communautaire. Il ne faut donc pas se le cacher : si la réappropriation de sa souveraineté par la France est une ardente nécessité, elle ne se fera pas « tranquillement » et imposera non seulement du savoir-faire, mais encore de l’imagination et du pragmatisme.

J’en viens donc à la troisième voie qui s’offre à nous, et qui est un prolongement de la deuxième : celle d’un FREXIT qui ne se contenterait pas de « détruire » (appelons un chat un chat) mais qui se doublerait d’une œuvre de reconstruction. Sans approfondir ici, car nous le ferons ailleurs, il s’agirait non seulement de cerner dès aujourd’hui les étapes incontournables d’un FREXIT, mais aussi les buts politiques et les contours institutionnels d’une nouvelle « confédération européenne » plus agile, plus efficace et davantage respectueuse des souverainetés nationales. En écho aux velléités de « souveraineté européenne » du Président Macron, cette confédération se donnerait pour but l’indépendance géopolitique du vieux continent. Il s’agirait de réactiver le projet gaullien « d’Europe européenne ». Elle aurait pour devise « paix, prospérité, puissance » et ne se perdrait pas dans une volonté « d’intégration toujours plus étroite » à la manière des européistes héritiers de Jean Monet. Elle créerait un espace commercial commun protégé des tierces puissances (pas de libre-échange avec le reste du monde, sauf standards sociaux et environnementaux comparables) et comprendrait trois organes intergouvernementaux clés (dont la composition pourrait varier selon la stricte volonté des États et en fonction des projets envisagés) : d’une part un « conseil de coopération stratégique »  destiné à promouvoir le réarmement technologique et industriel du continent, d’autre part un « conseil de défense » en vue de fournir un cadre efficace à la coopération militaire des grands États membres et, enfin, un « conseil politique et culturel » organisant toutes les coopérations civiles non stratégiques (ce qui ne veut pas dire secondaires) : culture, éducation, environnement… La France se grandirait si, nonobstant la reconquête indispensable de sa souveraineté, elle proposait à ses partenaires un schéma de « confédération européenne » propre à donner un avenir meilleur à tous les Européens. Ce schéma serait nécessairement discuté par les autres chancelleries, et nul ne peut deviner ses contours finaux, mais nous voulons croire que l’avenir sourit d’abord à ceux qui prennent des initiatives. Enfin, reconnaissons qu’une simple juxtaposition de souverainetés sur un continent globalement affaibli, si elle autoriserait indéniablement le retour des démocraties en miroir de la fin de « l’Etat maastrichtien » (ce qui est précieux), ne permettrait pas au vieux continent de peser vraiment sur le destin du monde. Un troisième pôle de puissance à côté de la Chine et des Etats-Unis, pôle de puissance qui associerait la Russie en vue d’une paix durable et d’un cadre de coopération véritablement européen, serait sans nul doute le meilleur chemin à proposer à nos enfants. 

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